Ralentissement toujours vif du marché utilisateurs
Au cours du 3ème trimestre, 356.000 m² ont été commercialisés sur le marché de l’immobilier logistique français, portant le résultat janvier-septembre 2024 à peine au-delà de 1,5 million de m² placés. Ce niveau, en retrait de 41% par rapport à la moyenne quinquennale, est par ailleurs le plus faible enregistré depuis 2014. « La faiblesse de la demande exprimée de l’année précédente se répercute sur les résultats de 2024. Les utilisateurs continuent de pâtir des aléas économiques et de l’incertitude politique. L’environnement reste encore peu propice aux signatures » indique Didier Terrier, Directeur Associé d’Arthur Loyd Logistique.
Le tassement de la demande placée est la conséquence des politiques économiques mises en place pour endiguer l’inflation. La remontée des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne débutée en juillet 2022 est venue mettre un frein à l’activité de crédit. Ainsi, les agents économiques, bridés d’une part par l’effilochement de leur pouvoir d’achat et la hausse du loyer de l’argent d’autre part, sont restés attentistes, privilégiant l’épargne. « Or, en France, la demande placée est étroitement corrélée à la consommation des agents économiques. Aujourd’hui, la lutte contre la hausse des prix semble être gagnée. Les baisses successives des taux directeurs permettront à terme de venir oxygéner l’économie. Il s’agit d’une très bonne nouvelle, notamment pour les acteurs de l’ameublement qui ont subi de plein fouet l’absence des primo-accédants sur la scène immobilière. » se réjouit Didier Terrier.
Au total, 67 transactions se sont signées en logistique entre janvier et septembre 2024, dont 50% hors dorsale. « C’est historique » souligne Didier Terrier. « Les secteurs secondaires gagnent du terrain, notamment les régions périphériques à l’Ile-de-France. La région capitale continue de perdre de son attrait. Les utilisateurs n’ont plus peur de s’éloigner des bassins historiques pour peu que l’offre soit qualitative et attractive ». Précisément, le Centre-Val-de-Loire s’illustre, avec 24% des volumes placés depuis le début de l’année, comme première place récipiendaire de la demande placée, devant les Hauts-de-France (26%) et l’Ile-de-France (14%). L’activité dans la partie sud de la France reste très ralentie.
La répartition de la demande par tranche de surface n’a que très peu évoluée au cours du trimestre écoulé : le marché reste soutenu par les transactions de taille intermédiaire (10.000 m² – 40.000 m²) tandis que la part des transactions XXL (supérieures à 40.000 m²) se replie à nouveau. « Le soubresaut sur le segment du XXL amorcé au cours du premier semestre ne s’est pas confirmé cet été » déplore Didier Terrier, qui maintient malgré tout un discours optimiste : « les utilisateurs poursuivent la rationalisation de leur outil logistique dans un contexte également marqué par la raréfaction de l’offre logistique de grande taille. Des mouvements sont en cours sur le XXL et même si les délais de commercialisation s’allongent, la sécurité de ces opérations est renforcée ».
Les prestataires assoient leur domination logistique et captent dorénavant 56 % de la demande placée, une part record dans l’analyse des volumes commercialisés. « En période mouvante, le mot d’ordre des chargeurs est la quête de flexibilité. Ces derniers n’hésitent plus à sous-traiter leurs activités logistiques à des spécialistes » précise Didier Terrier. Côté chargeurs, les acteurs de la grande distribution et les grossistes restent présents depuis le début d’année 2024 mais dans des proportions moindres qu’auparavant ; « la reconfiguration de leurs schémas de distribution est désormais en voie d’achèvement » explique Didier Terrier. En revanche, les acteurs industriels, qui peuvent parfois bénéficier d’un soutien politique favorable à leur implantation, confirment leur présence sur le sol français. Didier Terrier reste néanmoins prudent et déclare : « Attention aux effets d’annonce. Le lien entre réindustrialisation et part de marché importante des industriels dans la demande placée logistique est difficile à établir et encore trop prématuré. Par ailleurs, nous n’observons pas de nouveaux entrants mais bien une stratégie d’expansion menée par des acteurs déjà présents ».
Côté offre, le refroidissement de l’activité transactionnelle se répercute sur le stock à pourvoir. En France, 2,8 millions de m² sont vacants et immédiatement disponibles au 1er octobre 2024, une progression de 51 % sur trois mois. « C’est un triste record à nouveau atteint, le précédent datant du deuxième trimestre 2020, au plus fort de la crise covid. Pour autant, le bilan n’est certes pas très positif, mais pas alarmiste non plus. Il est récurrent d’observer des fluctuations des volumes disponibles parfois important d’un trimestre à l’autre » confie Didier Terrier. En parallèle, les libérations continuent de plafonner. Dans un délai de six mois, ce ne sont pas moins de 1,3 million de m² supplémentaires qui viendront abonder le marché et s’ajouter aux 2,8 millions déjà à pourvoir. Ce volume s’inscrit en léger repli de l’ordre de 3 %, mais « il est encore un peu tôt pour augurer d’une baisse tendancielle des libérations » ajuste Didier Terrier.
Sur le volet de l’offre future, le stock sécurisé et « Prêt-à-démarrer » franchit un nouveau cap à plus de 6 millions de m². « Ce potentiel de développement ne devrait toutefois pas croître outre mesure » prédit Didier Terrier. En effet, si les permis de construction sont obtenus et purgés pour ces surfaces, le volume en instruction s’élève à 2,2 millions de m², un niveau plutôt bas rapporté à la moyenne de ces cinq dernières années. « Constater un retrait des projets en instruction est tout à fait normal dans le cycle actuel et reflète les positions attentistes des porteurs de projets. La tendance devrait s’inverser à mesure que la demande retrouvera de la vigueur » poursuit Didier Terrier.
Entre tassement de la demande et hausse de l’offre disponible, l’impact sur les valeurs locatives ne s’est pas fait attendre. A fin septembre 2024, le loyer métrique moyen se traite à 55 €, un niveau équivalent à l’atterrissage 2023. La progression des conditions locatives semble marquer le pas… du moins temporairement ; « Dans les secteurs abondants en offre, où la compétition est moins forte, le rapport de force est aujourd’hui plutôt à l’avantage des utilisateurs. Les périodes de franchise de loyer alors qu’elles avaient disparues de la table des négociations ces dernières années. En revanche, les disparités géographiques restent notables. La partie sud de la dorsale continue de fonctionner à flux tendu et il n’est pas exclu que dans ces marchés l’évolution des loyers retrouve sa frénésie d’antan » prédit Didier Terrier.
L’atterrissage 2024 présage de résultats bien en deçà des niveaux historiques, pour un total légèrement supérieur à 2 millions de m² placés sur le marché français de l’immobilier logistique, soit le plus faible atterrissage enregistré au cours de la dernière décennie. Pour autant, les fondamentaux restent solides et les projections économiques laissent entrevoir une embellie qui devrait se répercuter sur l’activité transactionnelle dès la seconde moitié de l’année 2025.
Le marché de l’investissement logistique reprend de sa superbe et talonne le bureau
Au total, la logistique a engagé depuis janvier plus de 2,1 milliards d’euros, dont 853 millions au cours du troisième trimestre, soit un fort rebond de 107 % par rapport à l’année précédente. Ce résultat sur la période janvier-septembre 2024 s’établit 12 points en deçà de la moyenne sur cinq ans, un bilan très positif dans un contexte encore pénalisé par la conjoncture. « La confiance des investisseurs est dorénavant entièrement restaurée et les prises de position devraient s’amplifier au cours des prochains trimestres, laissant présager un atterrissage 2024 oscillant entre 3,5 et 4 milliards d’euros. Par ailleurs, la compétition pour les produits mis sur le marché est vive, comme en témoigne la multiplication des deuxièmes voire des troisièmes tours » annonce Nicolas Chomette, Consultant Associé en investissement chez Arthur Loyd Logistique.
Le retour des portefeuilles supérieurs à 100 millions d’euros et des actifs unitaires de grande envergure se confirme sur ce troisième trimestre, et d’autres seront actés d’ici fin 2024. Ainsi, la taille moyenne d’une transaction passe de 21 millions d’euros en 2023 à 34 millions d’euros sur la période janvier-septembre 2024, un niveau finalement supérieur à la moyenne de long terme. « Avec plusieurs portefeuilles en cours de signature, le retour du core est en passe d’être confirmé même si les stratégies de value-add et core+ restent majoritaires » déclare Nicolas Chomette, qui confirme par ailleurs que « l’assouplissement des conditions d’emprunt provoque un retour de l’appétence pour les produits core, focalisés sur les produits qualitatifs, localisés dans la dorsale et sécurisés ».
Le marché reste essentiellement animé par les acteurs Anglo-Saxons sur le segment core + et value-add, qui concentrent 64% des volumes injectés en 2024. En parallèle, le retour récent de profil core Français et Allemand sur le marché viendra quelque peu limiter l’hégémonie des Anglo-Saxons.
En parallèle, le hors dorsale continue d’aiguiser l’intérêt des porteurs de projets et capte 45% des volumes unitaires mobilisés depuis le début de l’année. Citons la signature du Belge WDP à Châlons en Champagne (51), nouvellement propriétaire d’une plateforme de 78.000 m², ou encore l’acquisition d’un bâtiment de 68.500 m² à Cestas (33) de l’Américain EQT Exeter qui illustre cette appétence. Nicolas Chomette précise en outre que « si la tendance est revenue à une croissance modérée des valeurs locatives, les réalités territoriales sont très différenciées. Le potentiel de réversion se révèle plus limité dans les secteurs en suroffre passagère tandis que dans les places très recherchées et en sous-offre, à l’instar des pôles lyonnais et marseillais, les loyers continueront de progresser à un rythme soutenu ».
Dans ce contexte de reprise, le taux prime se maintient à 5,00% mais pourrait légèrement se compresser d’ici la fin de l’année. Les perspectives pour 2025 sont assurément positives : « le marché restera soutenu par le value-add et le retour marqué du core. Globalement, la baisse des taux anticipée viendra soutenir l’ensemble des segments et provoquer un cercle vertueux. La confiance dans les fondamentaux du marché reste entière et le repli du marché utilisateurs n’est qu’une conséquence de la morosité économique, à l’inverse du bureau, plus profondément touché dans sa structure » précise Nicolas Chomette. En effet, le moindre intérêt des investisseurs pour le bureau se reflète dans l’analyse de l’exposition logistique en immobilier banalisé : si historiquement la logistique captait 12% des volumes engagés, cette part est portée en 2024 à 30 % et pourrait encore se renforcer. « Nous voyons se concrétiser des acquisitions par des spécialistes du tertiaire qui changent de cap et se reportent sur le produit logistique. Ces nouveaux entrants seront rejoints par d’autres, convaincus par la robustesse du marché. Le cycle qui s’amorce s’annonce prometteur ! » conclut Nicolas Chomette.