La mondialisation a apporté de nombreux avantages, mais elle a aussi rendu les chaînes d’approvisionnement beaucoup plus vulnérables aux crises et aux disruptions. Dans cet article,nous expliquons pourquoi la blockchain s’impose aujourd’hui comme l’une des solutions les plus prometteuses pour construire des supply chains véritablement résilientes.

Il y a quatre ans, cela aurait été impensable : HAK, un géant de l’agroalimentaire néerlandaise a choisi d’arrêter totalement ses lignes de production en janvier et février 2023, tout simplement parce que les coûts de fabrication étaient trop élevés sur cette période. En France, c’est le groupe leader William Saurin qui avait annoncé sur la même période l’arrêt temporaire de quatre de ses huit usines françaises, sous l’effet de l’augmentation spectaculaire de ses coûts énergétiques.
Après le Covid, les sécheresses extrêmes, les pénuries de matières premières, la guerre en Ukraine et désormais la crise énergétique, cela n’a aujourd’hui plus rien d’étonnant. Le choix de ces entreprises est en réalité révélateur de cette nouvelle réalité : notre manière de produire n’est plus soutenable.
La mondialisation a certes apporté de nombreux avantages, mais elle a aussi rendu les chaînes d’approvisionnement plus vulnérables. Et il serait naïf de penser que le calme reviendra une fois la crise actuelle passée. Il est donc temps de passer nos supply chains au crible et de réfléchir à d’autres façons de faire. Et même si ce n’est pas la réponse à toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés, une technologie prometteuse peut aider à rendre nos chaînes d’approvisionnement plus résilientes : la blockchain.
Une pause de plusieurs semaines : c’est la décision qu’a dû prendre William Saurin début 2023. Avec des coûts énergétiques devenus intenables, l’industriel a annoncé l’arrêt temporaire de plusieurs de ses sites. Selon l’entreprise, il n’était tout simplement plus possible de maintenir une production continue en plein hiver avec des prix de l’énergie multipliés par dix par rapport à 2021. Même si la marque a assuré pouvoir garantir les approvisionnements, elle a également prévenu que le prix de ses produits augmenterait, faute de pouvoir absorber seule cette flambée des coûts.
Le cas de William Saurin est loin d’être isolé. D’autres secteurs industriels se heurtent eux aussi aux limites de leurs capacités et ce, à tous les niveaux. Dans le contexte actuel, qu’il soit politique, économique ou environnemental, nous sommes arrivés à un point de rupture. Produire, distribuer ou simplement faire tourner une entreprise devient de plus en plus coûteux… et parfois difficilement tenable. Ce phénomène s’explique non seulement par le coût de l’énergie, mais aussi par la hausse du prix des matières premières, leur disponibilité très souvent limitée, ainsi que par l’augmentation du coût de la main-d’œuvre liée à la pénurie de compétences.
Les défis évoqués précédemment sont des facteurs externes qui influencent les chaines d’approvisionnement, mais votre propre chaîne de production comporte elle aussi des facteurs qui peuvent rendre vos opérations excessivement coûteuses. La première source de perte, c’est le gaspillage, qu’il s’agisse de matières premières, de temps, de main-d’œuvre ou de coûts opérationnels.
Le principal responsable ? C’est souvent le bullwhip effect, qui se manifeste souvent lors de la planification : une légère surestimation à chaque étape du processus se transforme rapidement en un excédent de stock important.
Pourquoi ? Cela s’explique par le fait que chaque acteur de la supply chain ajoute une petite marge de sécurité, selon le principe du « better safe than sorry » (en d’autres termes, “plutôt en faire trop par prudence que pas assez et le regretter ensuite”), jusqu’à faire basculer la production vers un surplus difficile à écouler.
Le problème, c’est que cette marge de sécurité ne sécurise rien du tout. Au contraire : ce petit “plus” ajouté à chaque étape peut avoir de très grandes conséquences. Selon plusieurs études, l’effet bullwhip peut entraîner jusqu’à 30 % de perte de marge pour un industriel.
Bien que vous ayez peu de contrôle sur les facteurs externes tels que les coûts énergétiques, les matières premières et autres perturbations de votre supply chain, vous pouvez renforcer votre maîtrise sur deux leviers essentiels : la réduction du gaspillage et l’amélioration de votre planification. Les méthodologies classiques telles que Lean, Just-in-Time, Kanban ou LCIA restent efficaces pour optimiser certaines étapes de votre production. Mais lorsqu’on prend une perspective plus globale, ces approches ne suffisent pas : vous restez dépendants des autres maillons de la chaîne. Ainsi même si vos performances sont excellentes, le bullwhip effect peut entrainer des pénuries de matières premières ou des excédents de production en bout de chaîne.
Pour réellement faire la différence dans une supply chain interconnectée, il faut s’appuyer sur une technologie capable de collecter, consolider et partager des informations fiables à l’échelle de l’ensemble de la chaîne, même lorsqu’elle implique un très grand nombre d’acteurs.
Pour éliminer le gaspillage de manière durable, il faut adopter une vision globale et raisonner au niveau de toute la chaîne d’approvisionnement. Cela inclut chaque fournisseur, transformateur, transporteur, distributeur et tout autre acteur intervenant du stade de la matière première jusqu’au produit fini, de l’achat jusqu’à la vente. Et pour créer cette supply chain réellement connectée, il faut une technologie capable de collecter, enregistrer et partager des données fiables à travers un réseau composé parfois de centaines d’acteurs.
La réponse était déjà dans le titre : nous parlons évidemment de la blockchain.
Même si la blockchain n’a pas encore fait pleinement ses preuves sur ce terrain, plusieurs cas montrent déjà son efficacité dans les supply chains. Pour le moment, il s’agit surtout d’informations qualitatives comme la traçabilité ou le bien-être animal dans l’industrie de la viande.
Mais alors, pourquoi ne pas aller plus loin ? Rien n’empêche d’échanger, entre acteurs d’une même chaîne, des données quantitatives : des informations chiffrées capables d’agir concrètement sur le bullwhip effect et de réduire le gaspillage.
De plus en plus d’entreprises cherchent à trouver le bon équilibre entre leurs ventes, l’achat de matières premières, la capacité de production, la distribution et, par conséquent, une planification de leur supply chain, afin de répondre parfaitement à la demande du marché sans jamais compromettre la qualité du service client. Ce défi serait bien plus simple à relever si les entreprises disposaient d’une visibilité complète sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.
Si vous connaissez précisément le volume de vos produits vendus en grande distribution par exemple et que vous disposez d’une vision claire des tendances hebdomadaires ou mensuelles, vous pouvez ajuster votre planification de production en conséquence. Une bonne gestion de ces données permet non seulement de réduire le gaspillage, mais aussi de produire de manière plus rentable.
Utiliser la blockchain pour partager les données au sein de la supply chain n’a finalement rien d’extravagant. Au contraire : c’est un moyen efficace de réduire, voire d’éliminer le fameux bullwhip effect. En rendant les informations fiables et accessibles à chaque maillon, la blockchain vous aide à maintenir l’équilibre entre votre planification et la demande réelle du marché.
Au sein d’une supply chain interconnectée, vaste et ramifiée, la blockchain s’impose comme la technologie idéale pour collecter et partager les données entre tous les acteurs. Son principal atout : apporter clarté et structure dans un volume massif d’informations issues de multiples parties prenantes. Une base solide pour prendre de meilleures décisions, plus efficacement.
De plus, avec la blockchain vous disposez de données infalsifiables. Tous les acteurs de la supply chain s’accordent sur un principe simple : l’information inscrite dans la blockchain devient la source de vérité et de référence unique. Elle ne peut pas être modifiée, ce qui garantit une prévision fiable, sans bullwhip effect. Ainsi, vous visualisez précisément ce dont vous avez besoin, du début à la fin de la chaîne, étape après étape, acteur après acteur. C’est cela, une supply chain réellement connectée et suffisamment résiliente pour permettre aux industriels d’anticiper rapidement les crises, même lorsque les prix de l’énergie flambent, comme c’est le cas actuellement.
La blockchain et l’agroalimentaire : une réalité plus complexe
Bien sûr, l’idée d’utiliser la blockchain pour rendre une supply chain agroalimentaire plus résiliente doit être nuancée. Dans l’agroalimentaire, la réalité opérationnelle est souvent plus difficile qu’ailleurs. Certes, il est techniquement possible de récupérer, via la blockchain, des données de vente validées directement en sortie de caisse. Ces informations pourraient servir de base fiable pour ajuster votre planification, optimiser vos achats de matières premières, et permettre à vos fournisseurs de mieux anticiper leur propre production, sans créer d’excédents involontaires.
Cependant, lorsque l’on travaille avec des produits frais directement issus des champs, une part d’incertitude demeure. Les cultures restent fortement dépendantes de facteurs difficiles à maîtriser : variations climatiques, épisodes de sécheresse, maladies, rendements fluctuants…Même si les agriculteurs multiplient les analyses de données, il reste impossible de prévoir une récolte à 100 %.
La bonne nouvelle, la technologie offre également des opportunités dans ce domaine et le secteur agricole n’est pas en retard. Des approches comme l’agriculture de précision (precision farming) montrent à quel point l’innovation peut réduire le gaspillage de ressources et améliorer les rendements. Des pionniers, tels que les exploitations pilotes utilisant massivement capteurs, robotique, IA et blockchain prouvent que ces solutions peuvent transformer le modèle agricole.
Face aux défis spécifiques auxquels le secteur agroalimentaire est confronté, nous sommes convaincus que l’alliance de technologies innovantes et d’une vision novatrice du secteur agricole peut transformer en profondeur l’économie.
Nous serions bien sûr curieux de savoir ce que vous pensez de l’utilisation de la blockchain pour créer une supply chain connectée.
Nous sommes disponibles avec plaisir pour échanger avec vous sur le sujet.
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