Cette PME qui a importé 500 millions de masques depuis Shenzhen

18/05/2020

Les activités du commissionnaire de transport BBA tournent en général autour des denrées périssables, du médical, de l’aéronautique et des œuvres d’art. Mais les circonstances ont conduit cette PME de 90 personnes à importer au cours de ces dernières semaines, un produit particulièrement rare et recherché : le masque chirurgical. C’est ainsi qu’en 1 mois et demi, ce sont plus de 500 millions d’unités que BBA a fait venir de Chine pour répondre aux besoins sanitaires du pays. Supply Chain Village vous raconte comment cette petite équipe a organisé depuis Shenzhen cette importation à haut risque, et pourquoi elle mérite que l’on parle d’elle aujourd’hui, à travers cette Newsletter Spéciale qui lui est entièrement dédiée.
Photo : Jean-Philippe Le Coat, président de BBA

BBA, un transitaire de taille modeste, mais réactif et professionnel
« Lorsque j’ai repris la direction de l’entreprise en 2013, mon ambition était de construire une société capable de répondre à tous les besoins et susceptible de relever tous les défis », explique Jean-Philippe Le Coat, président de BBA. Sans doute ne pouvait-il imaginer que la crise du Covid 19 allait faire de lui, en quelques jours, l’un des plus grands transporteurs de masques chirurgicaux, organisant un véritable pont aérien entre Shenzhen et Paris. L’histoire commence fin février. La crise sanitaire qui a démarré en Asie, touche à présent l’Europe. Le fret international est fortement ralenti et l’activité du transitaire est au plus bas. C’est à ce moment-là qu’un de ses clients (qui souhaite conserver l’anonymat) l’interroge pour une mission très spéciale : importer un nombre considérable de masques chirurgicaux depuis la Chine. Mais BBA a-t-elle la taille suffisante pour une opération de si grande ampleur ? Le dirigeant explique que si sa structure est modeste, elle est sans doute plus réactive et plus flexible que les grands groupes internationaux. Son expérience du terrain et l’étendue de son réseau (540 bureaux et agences) doivent permettre de réaliser cette opération avec un maximum de succès. L’importateur se dit rassuré et l’aventure commence.

Une première opération réussie
« Pour réaliser cette opération BBA n’a pas besoin d’intermédiaire. C’est directement et sans le concours d’un broker que nous avons affrété un Boeing 747 – 800 auprès d’Air Bridge, une compagnie qui propose des vols charters », explique Jean-Philippe Le Coat. Il faut savoir que dans ce contexte où les compagnies aériennes traditionnelles sont clouées au sol, les moyens de transport sont rares et chers. « Il faut vraiment se battre pour avoir un avion ! » commente le président de BBA. « De plus il faut payer d’avance. Même chose pour la marchandise, qui fait l’objet d’une surenchère sauvage, y compris au pied de l’avion. Et pourtant début avril, le premier avion affrété par BBA se pose à Roissy avec à son bord une cargaison de 21,4 millions de masques médicaux, soit 10.700 colis sur 51 palettes avion (800 mètres cube) que l’équipe décharge sur des palettes bois. Une opération hyper sécurisée qui se déroule pendant toute la nuit sous escorte policière».

Kerry Logistics, un prestataire chinois, impliqué et compétent
Côté chinois, c’est à l’aéroport de Shenzhen que les masques sont embarqués par le prestataire Kerry Logistics, un 3PL qui emploie 46.000 collaborateurs dans 55 pays. « C’est une société très sérieuse qui travaille le plus souvent avec des industriels du luxe et qui offre des prestations sécurisées à valeur ajoutée », précise Jean-Philippe Le Coat. « Nous les connaissons bien. C’est ce qui nous a permis de nous appuyer sur leur compétence et leur savoir-faire. Ils ont été un atout précieux et très impliqué comme le montre les affiches systématiquement posées par les équipes chinoises sur les colis empilés. »

Un déchargement au plus près des entrepôts
A l’aéroport de Roissy, tout est fait pour que l’avion soit au plus près de l’entrepôt du quai de déchargement.  Isabelle Dreysse, directrice Aires Aéronautiques au sein du groupe ADP s’est personnellement engagée pour que les cargos géants puissent s’approcher au plus près des bâtiments. En effet, il ne faut que quelques minutes entre le moment où les palettes sont déchargées de l’avion et leur arrivée sur le quai de transbordement. A partir de ce moment, c’est Frédéric Gaudou, le responsable des opérations qui prend les choses en main. Les colis sont déballés puis installés sur des palettes bois avant d’être chargés à l’autre bout du quai dans les camions.

500 millions de masques pour répondre aux besoins sanitaires du pays
Dans les premiers temps les colis sont acheminés sur une plate-forme Geodis qui opère pour le compte de Santé Publique France. Mais ensuite les masques ont été livrés chez d’autres prestataires et d’autres entrepôts en France. « L’important à ce niveau des opérations, explique Frédéric Gaudou, c’est la bonne coordination avec les transporteurs ». 4 heures plus tard, les camions sont chargés et partent vers leur destination. Entre le début avril et le 11 mai ce sont 27 avions affrétés par BBA qui ont pu ainsi livrer 500 millions de masques pour répondre aux besoins sanitaires du pays : hôpitaux, Ehpad, mais aussi personnel de la Grande Distribution. Jean-Philippe Le Coat se dit heureux d’avoir pu contribuer à cette opération de santé publique : « Nous sommes conscients et fiers d’avoir apporté une contribution majeure dans la lutte contre le Covid 19 et ravis d’avoir vécue une belle aventure humaine dans un contexte particulièrement tendu ». Vendredi dernier (15 mai) BBA accueillait encore à Roissy 2, charters représentant quelque 36 millions de masques et 18.000 colis à palettiser. L’opération a duré une bonne partie de la nuit. Samedi matin, aux premières lueurs du jours, les camions repartaient pour approvisionner les entrepôts qui organiseront dès aujourd’hui la distribution dans tout le pays.