Une activité en demi-teinte dans un contexte empreint d’incertitude.
Le marché de l’immobilier logistique se maintient bon an mal an sur les six premiers mois de l’année. Avecprès de 1,2 million de m² commercialisés en 56 transactions, la demande placée n’enregistre qu’une légère baisse de 7% par rapport au 1er semestre 2024. Le 1er trimestre qui enregistrait une des rares progressions depuis 2023 (+24%) permet de compenser le repli plus net enregistré entre avril et juin (-32%). « Dans le contexte actuel, le marché des utilisateurs ralentit sa cadence sans pour autant s’effondrer » souligne Didier Terrier, Directeur Associé d’Arthur Loyd Logistique. « Bien que les utilisateurs temporisent par manque de visibilité, on note plusieurs signaux positifs » ajoute Didier Terrier.
Le marché logistique du Centre-Val-de-Loire qui enregistrait une demande placée record entre janvier et mars 2025, confirme son attrait et son dynamisme au deuxième trimestre. L’activité transactionnelle y est bien supérieure à la moyenne observée ces dernières années. « C’est l’Ile de France qui se distingue ce trimestre. Très chahutée ces trois dernières années, on a pu observer la résurgence du marché logistique francilien qui a repris sa place de leader régional au deuxième trimestre 2025 avec 126.500 m² placés » précise Didier Terrier.
La demande logistique placée en France au 1er semestre 2025 est dominée par les prestataires logistiques, qui captent près de 60% du marché. « Dans un contexte où les chargeurs restent plus attentistes, la prise à bail récente du géant chinois JD.com sur 60.000 m² à Tournan en Brie illustre l’internationalisation croissante du marché logistique français, le dynamisme du e-commerce et la pression renforcée sur les prestataires européens traditionnels » indique Didier Terrier.
À fin juin 2025, l’offre sous six mois atteint 4,7 millions de m², correspondant à un taux de vacance de 6,9% stable. Si deux m² sur trois commercialisés portent sur des entrepôts neufs ou en cours de construction, le stock de seconde main continue de croître et représente désormais 77% de l’offre immédiatement disponible, traduisant une difficulté croissante à écouler ces actifs plus anciens. Parallèlement, le manque d’allant du marché utilisateurs au deuxième trimestre entraîne une stagnation des loyers. La valeur « prime » avait augmenté au T1 2025 se maintient à 90€ du m².
« Malgré un marché utilisateurs en repli, la nette progression des intentions exprimées ces dernières semaines nourrit un regain d’optimisme pour le second semestre 2025. En outre, les tensions commerciales et géopolitiques poussent les entreprises à anticiper des perturbations sur les chaînes d’approvisionnement transatlantiques et encouragent certains acteurs à accélérer le « nearshoring » à savoir renforcer leurs capacités de stockage locales pour sécuriser leurs approvisionnements – particulièrement dans les secteurs sensibles (tech, pharmaceutique, automobile) – avec des retombées concrètes sur nos marchés » conclut Didier Terrier.
Des capitaux abondants mais plus sélectifs
Avec plus de 1,4 milliard d’euros investis au premier semestre 2025, le marché de l’investissement logistique maintient une dynamique solide, proche de celle enregistrée en 2024. Une performance d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte économique et géopolitique particulièrement tendu, marqué par une visibilité dégradée à l’échelle mondiale.
« La performance du 2ème trimestre se doit d’être soulignée compte tenu de l’environnement actuel. Les volumes investis dépassent de 12% ceux du T2 2024 et de 27% la moyenne des deuxièmes trimestres observés des six dernières années » précise Nicolas Chomette, Directeur associé en investissement chez Arthur Loyd Logistique. Porté par quelques opérations d’envergure, à l’image de la cession par Blackstone d’un portefeuille constitué de 5 actifs au fonds suédois EQT pour un montant de 150 millions d’euros, le segment des portefeuilles continue d’attirer les investisseurs. Il représente désormais 45% des montants engagés sur les six premiers mois de l’année, confirmant l’intérêt croissant pour des volumes mutualisés et des tickets significatifs.
Les revirements quotidiens de la ligne politique américaine, impulsés par Donald Trump, nourrissent une incertitude supplémentaire sur les marchés. Le rebond du marché ne dissipe toutefois pas les nombreuses interrogations qui pèsent sur les investisseurs. Le ralentissement économique en Chine, les tensions commerciales persistantes, les troubles logistiques en mer Rouge, et la volatilité de la scène politique américaine continuent d’alimenter une forme de prudence structurelle. Après une phase d’inflation rapide entre 2022 et 2023, suivie d’un cycle de hausses agressives des taux directeurs en Europe et aux États-Unis, 2025 marque une pause monétaire. Les banques centrales adoptent une posture attentiste face à une désinflation partielle, mais encore fragile. « Dans ce contexte, le taux de rendement logistique « prime » se stabilise juste en-dessous de la barre des 5,00% au T2 2025, après avoir connu une nette correction les années précédentes. Néanmoins, la remontée progressive du rendement des obligations souveraines à 10 ans observée ces derniers mois exerce une pression haussière sur les taux prime » explique Nicolas Chomette.
Face à ce nouvel équilibre, la logistique reste au cœur des allocations défensives. La demande se concentre sur des actifs situés dans des localisations prime, idéalement implantés dans des zones stratégiques — dorsale logistique, hubs multimodaux, derniers kilomètres. Les acteurs Core+ et Value-Add demeurent les plus dynamiques, disposant de capitaux importants à déployer. L’arrivée de nouveaux entrants devrait, par ailleurs, continuer à stimuler le marché. Initié au second semestre 2024, le retour des investisseurs Core s’est concrétisé par plusieurs transactions emblématiques, à l’image de l’acquisition d’Aberdeen au Coudray-Montceaux. « Dans un environnement plus incertain, la dorsale logistique conserve son statut de valeur refuge — peut-être à tort, au regard de la hausse des taux de vacance dans certains sous-secteurs. Le début d’année a d’ailleurs été marqué par des investissements significatifs dans d’autres zones géographiques, telles que la Normandie, le Grand Est ou encore l’Arc Atlantique » souligne Nicolas Chomette. « Les actifs de messagerie et de logistique urbaine (« last mile ») continuent, quant à eux, d’attirer de nombreux fonds bénéficiant d’importantes liquidités allouées à cette stratégie » ajoute Nicolas Chomette.
Dans un marché structurellement contraint par la rareté du foncier, la logistique reste portée par des moteurs fondamentaux puissants : essor du e-commerce, relocalisation partielle des chaînes de production, pression croissante sur les délais de livraison, et exigences environnementales de plus en plus strictes. Autant de dynamiques qui renforcent la résilience du secteur, même en période de turbulences. « Dans un environnement incertain, les investisseurs cherchent à sécuriser leurs capitaux dans des actifs tangibles et pérennes. Le stock de liquidités reste abondant. Prudence ne signifie pas attentisme », conclut Nicolas Chomette.
Photo : Didier Terrier
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